Bienvenue dans la matrix
Bonjour à tous.tes ! Aujourd'hui encore de la mode et ses tendances indécises, mais on parlera aussi de l'artiste que j'écoute en boucle, et que vous écoutez sûrement aussi. Bonne lecture !
Je suis journaliste spécialisée en mode, culture et société. À la recherche de piges et de stages, je vous laisse découvrir mon travail pour de potentielles opportunités.
Le “sauvetage miraculeux” de Desigual
On la connait comme la marque préférée des profs d’espagnol. La dernière fois, ma mère m’a montré son nouveau sac hyper coloré et rempli de motifs, et je l’ai directement associé à cette griffe. Oui, Desigual a longtemps été considéré comme une marque un peu kitsch, et son style aux mandalas et mosaïque de couleurs souvent moqué et peu apprécié des fashions.
Robes signées Desigual propres à leur esthétique colorée avec des motifs.
Cependant, depuis peu, la marque espagnole s’est fait la promesse d’attirer un nouveau public, et de cibler une clientèle plus jeune. Sophie Malagola, créatrice de mode décrivait ce changement ainsi : “C’est le même ADN [propre à Desigual], mais plus épuré, avec un soupçon de sobriété” .
En octobre dernier, la griffe signait sa deuxième collection en collaboration avec Alphonse Maitrepierre, étoile montante de la mode française. Cette collection mettait un point d’honneur à mettre en avant une mode écoresponsable, chaque pièce étant réalisée avec des matériaux recyclés. La capsule, toujours aussi colorée, a contribué à relever la marque vers quelque chose de plus actuel, élégant et désirable. En août, Jenna Ortega, nouvelle figure d’Hollywood portait une robe Desigual à la Mostra de Venise pour l’avant-première du film Beetlejuice Beetlejuice. La robe, totalement à l’opposée de l’esthétique, avait étonné plusieurs internautes qui ne s’attendaient pas du tout à ce que cette pièce soit signée Desigual.
Moïra Critescu, designer, disait au sujet de l’évolution de Desigual : “L’esthétique est plus haut de gamme. Ils se sont un peu calmés dans leur patchwork. Il y a toujours des imprimés, toujours des couleurs vives, mais ça ne part plus dans tous les sens. Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais Desigual est devenu pointu”.
La remontada ?
Dans la dernière lettre on parlait de mon amour pour Twitter et oui, j’ai réduit mon temps passé dessus pour privilégier Pinterest. Résultat maintenant j’ai trop d’idées de coiffure en même temps et j’ai envie de 3 nouveaux piercings. Mais, là n’est pas le sujet.
J’ai vu passer ce tweet sur le “sauvetage miraculeux” de Desigual. Puis, une réponse que j’ai trouvé intéressante : “Ça a toujours été visuellement intéressant juste pas à votre goût. Mais là, pour le coup, moi je trouve qu’ils perdent en authenticité. Le premier screen on dirait Bershka ou du Jaded”. — @sunblonded sur Twitter.
On y reviendra. Donc, après ça, je suis allée fouiller sur l’application préférée des djeuns, TikTok. Et je suis tombée sur des créatrices qui faisaient des hauls Desigual en écrivant : “J’pensais pas qu’un jour Desigual allait avoir mon argent”.
La nouvelle collection qui a autant plu, c’est une capsule imaginée par María Escoté, une des designers espagnoles les réputées au monde. Mi-créatrice mi-artiste, elle avait déjà dessiné une capsule pour la marque auparavant, et c’était beaucoup plus Desigual-coded. Full motifs et fleurs de partout. Cette année, c’est une collection qui pioche dans le coquette core, le goth core et dans le Y2K. Des noeuds en veux-tu, en voilà. Du rose, beaucoup de rose. De l’asymétrique, de la dentelle et des franges. Sur TikTok, la marque décrit la capsule comme du “queen-core”. Inspirée par des femmes qui défient les normes établies et par des icônes historiques, la collection Desigual x María Escoté est un hommage à la reine intérieure de chacun.e.
La collection est, selon moi, hyper réussie. Mais à quel prix ?
Se trahir pour réussir ?
Dans la collection, on ne retrouve pas du tout l’ADN de la marque. Pas de patchwork, pas de mélanges de couleurs, pas d’extravagance. Comme le disait le commentaire au-dessus, ça pourrait très bien passer pour du Bershka ou du Jaded. Si aujourd’hui, Desigual fait parler, c’est soit en rapport à des collections loin de son esthétique première, soit en rapport à des collabs avec des créateurs connus. Alors, peut-on vraiment parler du succès de la marque si elle ne réussit que lorsque qu’elle propose des pièces qui ne lui ressemblent pas ? Faut-il se trahir pour réussir ? Car, si l’objectif d’attirer une clientèle plus jeune est réussi, qu’en est-il de l’essence même de la marque ? Cela m’amène également à réfléchir à l’avenir de la marque. Est-ce que Desigual serait capable d’être pérenne dans la mode d’aujourd’hui sans ces collaborations ? Permettez-moi d’en douter.
Sources :
https://vein.es/desigual-x-maria-escote-un-tributo-a-la-reina-interior-de-cada-mujer/
https://www.marieclaire.fr/apres-beyonce-et-miley-cyrus-maria-escote-habille-desigual,1356712.asp
https://www.marieclaire.fr/apres-beyonce-et-miley-cyrus-maria-escote-habille-desigual,1356712.asp
Ozempic core : retour au culte de la minceur dans la mode ?
Si vous scrollez sur les réseaux sociaux, vous avez déjà sûrement vu telle ou telle star être accusé.e d’utiliser Ozempic pour perdre du poids. Les “Ozempic” allegations n’échappent à personne, dans la mode comme dans la musique s’effectue une vraie chasse à la sorcière pour savoir qui s’en procure ou non. Mais d’abord, c’est quoi l’Ozempic ?
Il s’agit d’un traitement antidiabétique sous forme de solution injectable. Il existe sous d’autres noms comme le Wegovy ou Trulicity. Il a été popularisé ces derniers temps par des célébrités et les réseaux sociaux. Pourquoi ? Parce que certains de ses effets secondaires sont la diminution de l’appétit, des vomissements, et une perte de poids importante. Quand on comprend tout cela, ça peut paraître complètement fou. Pourquoi des personnes lambdas se fatigueraient à se piquer d’un médicament dont elles n’ont pas besoin ? Et bien sachez que malgré l’aspect peu croyable de cette situation, il y a une rupture de stock internationale qui met dans l’embarras des patient.e.s qui ont vraiment besoin de ce traitement. Pour contrer à ce mésusage de l’Ozempic et d’autres traitements, un décret a été signé par le Premier ministre pour imposer aux médecins une justification de leurs prescriptions à l’Assurance maladie en octobre dernier.
Ice Spice a perdu du poids et Internet s’en mêle
Parmi les célébrités pointées du doigt pour leur perte de poids impressionnante : Ice Spice. La rappeuse s’est faite connaître du grand public en 2022 après que son morceau “Munch” ait percé sur TikTok. Son cas est particulièrement intéressant car, comme beaucoup de rappeuses américaines, Ice Spice avait fait de son corps un outil marketing. Dans ses chorégraphies, en performance live et dans ses TikToks, elle se montrait en bougeant les fesses sur sa musique. Pareil dans ses clips. Et ses formes faisaient partie de ce dont elle se vantait dans ses chansons : “Pretty bitch like Lauryn with a big ass butt” ou encore “I’m thick cause I be eating oats”. Celle qui affichait des formes volupteuses s’est récemment montrée totalement fondue. Beaucoup plus mince, et avec des formes en moins. Très vite, les gens se sont empressés de dire le mot magique… vous aurez compris…“Ozempic! Ozempic !” dans ses commentaires. Pour répondre aux critiques de manière subtile, elle s’est filmée en train de s’exercer à la salle de sport, mais beaucoup n’ont pas cru à cette “supercherie”.
J’ai trouvé son cas intéressant parce que je me suis demandée qu’est-ce qui pousserait une jeune rappeuse (j’insiste) comme Ice Spice, à vouloir perdre du poids et notamment ses fesses ? Mais, quand je disais plus haut qu’elle “utilisait” son corps comme outil marketing, cela va sans dire que les équipes derrière elle instrumentalisaient aussi son corps comme tel. C’est juste que j’avais l’impression, auparavant, que son corps lui plaisait. Parce qu’avant tout, c’est ça le plus important. Pas la taille de ses fesses ni les abdos sur son ventre, mais son bien-être. Aujourd’hui, qu’il s’agisse de son corps ou de ses apparitions en live, Ice Spice semble ne plus être aussi heureuse qu’avant (et ce ne sont que des spéculations). Donc le débat peut être dirigé plutôt sur l’industrie de la musique, les sacrifices qui en découlent, et sur ce qui lui est imposé en tant qu’artiste féminine.
En écrivant ses lignes je me suis aussi demandée si parler du corps d’Ice Spice n’était pas tomber dans le piège de moi aussi, commenter le corps d’une femme alors que cela ne me regarde pas. Donc je me limite à l’analyse basée sur ses publications. En sachant que beaucoup des remarques sur ses fesses faites par des hommes, ont une visée misogyne et sexualisante.
En tout cas, le cas Ice Spice me fait juste penser que c’est symptomatique d’un phénomène de mode que l’on remarque depuis un moment maintenant. On est passé de body positivisme, à Ozempic core. Sur les défilés, il n’y a plus tant de mannequins Plus Size, alors que l’avancée venait à peine de commencer. Et quelle ironie de penser que les rappeuses sont passées de BBL allegations to Ozempic allegations. Il y a eu un changement, qu’on le veuille ou non.
La mode fait demi-tour
Il y a deux ou trois ans, la mode se vantait d’une nouvelle lubie : la diversité et l’inclusion. C’était dorénavant stylé de mettre des mannequins noires sur les catwalk. C’était cool d’inclure des femmes qui faisaient plus que du 36. Et les statistiques, bien que toujours très faibles, faisaient l’état d’une progression et de plus de diversité sur les défilés de Fashion Week. Au début, je me suis dit que j’allais appeler cette sous-partie “La mode au ralenti”. Mais après réflexion, c’est plus un demi-tour qu’un simple ralentissement. La mode revient à ses anciens travers. Je m’en suis rendue compte lorsque j’écrivais la toute première lettre et qu’on parlait de Victoria’s Secret. Le défilé qui nous vendait un soi-disant renouveau n’avait aucune femme qui me ressemblait en termes de morphologies. Je crois que je suis la seule à avoir eu un awakening, j’étais dans ma bulle progressiste à penser que tout le monde était ok avec les différents types de corps qui existent. Mais je regardais un truc récemment (je ne me souviens plus si c’était une série ou un film, désolée, ma mémoire me joue des tours) dans lequel des jeunes femmes faisaient tout pour être minces, et j’étais choquée. Je me suis dit : “Mais à quel moment c’est redevenu stylé d’être hyper mince ?”
Je n’ai rien contre les personne minces. Mais j’ai un vrai problème avec le culte de la minceur. Le monde est tellement plein de personnes différentes. Tout le monde a des antécédents médicaux et des métabolismes différents. Des rapports à la nourriture différents. Donc logiquement, tout le monde ne peut pas être mince. Et tout le monde ne devrait pas avoir à être mince. J’ai écrit un article cet été sur le summer body, que je vous invite à lire. Dedans, j’interrogeais une diététicienne-nutritionniste, Ophélie Chicotteau, qui me disait que maigrir n’est pas toujours la solution. Dans sa méthode, elle place au centre les notions de bien-être psychologique et de santé mentale.
Dans l’industrie de la mode, un directeur de casting confiait à Saveria Mendella pour Vogue : “Impossible de dire qui est sous Ozempic, mais tout le monde est redevenu encore plus maigre. On assiste à un vrai retour de la maigreur comme tendance de fond, ça fait peur.” En interne même, le mot se passe sans parler. Une source confiait à Mendella qu’une mannequin qui avait pris un kilo avait arrêtée d’être bookée. Face cela, on dit à d’autres mannequins ultra-minces qu’elles sont belles. Et c’est aussi subtilement que tout le monde comprend que la tendance est à nouveau à la minceur. En octobre, Vogue Business publiait son rapport habituel sur les données d’inclusivité propres à la Fashion Week Printemps/Été 2025 et voici la conclusion : “Cette saison, le progrès en inclusivité des tailles est au point mort. Les recherches révèlent un retour troublant à des mannequins extrêmement minces en majorité sur les défilés, en contraste avec le mouvement Body Positive des récentes années, et un retour à la glamourisation de la minceur”.
Rapport de données sur la diversité des tailles de Vogue Business
Un phénomène plus global que ça ?
Vous allez peut-être dire que je whippin…mais après tout c’est ma newsletter donc je dis ce que je veux. Beaucoup de ce qui touche à la mode s’inscrit dans quelque chose de plus grand, de plus sociétal. Et je pense fermement qu’il y a un lien entre Ozempic- baisse du progressisme - montée de l’extrême droite. Hear me out ! Je m’explique.
On vit à l’ère où Donald Trump vient de remporter, encore, les élections présidentielles américaines. Ce qui est un vrai risque pour la santé des femmes et leur droit à l’avortement aux États-Unis. Dans l’ère où l’extrême-droite a remporté 32% des voix aux élections législatives françaises. Il y a un vrai retour au conservatisme, et le progressisme s’efface, dans plusieurs domaines. Les conditions politiques et économiques touchent aussi la mode. Nombreux sont les créateurs de mode qui se justifient de leur manque de diversité en disant que les mannequins grandes tailles leurs coûtent plus cher. On a déjà entendu aussi que des médias féminins étaient réticents à mettre des femmes noires en couverture parce que ça vendrait moins.
Il y a une citation de Mélody Thomas, journaliste mode, que j’apprécie particulièrement, qui s’applique bien à la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui : “(…) Lorsqu'une crise frappe, la mode « retourne à la normale ». Un indicateur assez parlant de la place qu'occupe réellement l'inclusion des mannequins grosses dans l'industrie.”—La Mode est Politique (2021). En d’autres termes, lorsque l’économie et la politique vont mal, les mannequins issus de minorités sont les premiers à en pâtir.
Si c’est un regret pour beaucoup que de reculer en terme d’inclusion dans la mode, nous pouvons toutefois espérer, comme les tendances, que cela sera éphémère. Saveria Mendella conclut ainsi son article : “Le phénomène Ozempic laisse un goût amer, mais, on espère, non durable dans l’industrie.”
Sources :
Mon article sur le summer body : https://ancre-magazine.com/mouiller-le-maillot-lepreuve-de-trop-du-summer-body/
L’article de Saveria Mendella : https://www.vogue.fr/article/phenomene-ozempic-industrie-mode
Bienvenue dans la Theodora matrix
“Kongolese baby aimerait sa BBL”, ça vous dit quelque chose ? Ça fait plusieurs jours maintenant que Theodora garde sa place de première du Top Viral Spotify avec son tube “KONGOLESE SOUS BBL”.
Comme beaucoup, ça faisait un moment que j’avais entendu parler de l’artiste, notamment avec son titre “Le paradis se trouve dans le 93”. Le titre fait l’éloge du 93, la Seine-Saint-Denis, département dans lequel Theodora a vécu. Mais c’est, comme beaucoup également, avec ce titre qui a explosé sur TikTok que j’ai vraiment accroché.
Je n’ai même pas peur de dire que “KONGOLESE SOUS BBL” n’est pas son meilleur son. Le dimanche dernier, Theodora a sorti son premier album, BAD BOY LOVESTORY. Sur ce 13-titres, elle slide avec facilité sur des prods tantôt zouk, tantôt bouyon, tantôt plus pop et variété française. Et à chaque tentative elle excelle. Ce projet est une vraie mosaïque musicale qui témoigne à la fois de la diversité des inspirations dans lesquelles elle a puisé, mais aussi du caméléon musical qu’est Theodora. Et je crois qu’on avait grandement besoin d’une artiste aussi disruptive et éclectique, autant par son style musical que par son style vestimentaire (I’m obsessed).
Donc, le projet est en boucle dans mes oreilles. Mention spéciale pour “Un meilleur nous” et “#IL”. Je sais que l’avenir prépare de grandes choses pour Theodora. Et que Theodora prépare de grandes choses pour nous. LET HER COOK !